“Menacée d’une interdiction partielle, la filière du CBD saisit la justice” le point, 14/01/2022

Le Conseil d’État se penche ce vendredi sur un arrêté qui interdit la vente de fleurs brutes de ce produit proche du cannabis mais non stupéfiant.

C'est un petit cadeau de fin d’année auquel ont peu goûté les professionnels de la filière. Le gouvernement a pris le 30 décembre dernier un arrêté attendu sur le CBD, ce produit issu du chanvre, comme le cannabis récréatif, mais comportant une très faible dose de THC, la molécule qui fait de la plante un psychotrope. Le texte met fin au flou juridique qui entourait la vente des produits à base de CBD en l’autorisant quand le taux de THC est inférieur à 0,3 %, mais interdit la vente des « fleurs et feuilles brutes sous toutes leurs formes ».

L’interdiction ne surprend personne – le gouvernement avait déjà dévoilé son projet d’arrêté avant l’été – mais reste un coup dur pour ce secteur en pleine croissance. Sur 600 millions d’euros de chiffre d’affaires pour le CBD en 2021, 50 % provenaient de la vente des fleurs séchées, destinées à être fumées ou infusées, indique le Syndicat professionnel du chanvre. Son président, Aurélien Delecroix, dénonce un arrêté pris par « idéologie » et « sans aucun pragmatisme ». Face à un gouvernement inflexible, la filière du CBD se lance dans une nouvelle bataille juridique : ce vendredi 14 janvier, le Conseil d’État doit notamment se pencher en urgence sur deux recours visant à faire suspendre l’arrêté.

La filière contre-attaque

À l’origine, le gouvernement avait opté pour une approche stricte en faisant la chasse aux vendeurs de CBD, qui se développaient dans un flou juridique. Mais la Cour de justice de l’Union européenne, saisie en novembre 2020 dans l’affaire Kanavape, a estimé que, dès lors que le taux de THC est très faible, le CBD n’est pas considéré comme une drogue. La France ne peut donc pas s’opposer à la vente d’un produit autorisé dans d’autres pays de l’Union européenne, au nom de la libre circulation des biens. Seule exception possible : démontrer un problème de santé ou de sécurité publique que poseraient les produits interdits.

C’est ce que s’est employé à faire le gouvernement pour justifier son arrêté. Sur son site Internet, la mission interministérielle de lutte contre les drogues avance les risques pour la santé de cette plante quand elle est fumée, ainsi que les « incertitudes sur les effets pour la santé de la consommation de produits à base de CBD ». « Les infusions ne sont pas fumées. Pourtant, elles sont interdites », s’étonne Aurélien Delecroix, qui précise par ailleurs que « les produits fumés sont déjà pris en charge par une réglementation qui impose des messages sanitaires sur les emballages et l’interdiction de la vente aux mineurs ». Pour le représentant de la profession, l’argument avancé « revient à dire que tous les produits à fumer, y compris le tabac, devraient être interdits ».

Le gouvernement avance aussi une justification de sécurité publique : interdire la vente de fleurs brutes permettrait de « préserver la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure de lutter contre les stupéfiants », qui ne pourraient pas, en cas de contrôle, faire la différence entre une fleur légale de CBD et une fleur illégale à fort taux de THC. « Des tests rapides pour faire de la levée de doute existent, nuance Aurélien Delecroix. Les forces de l’ordre suisses en sont déjà équipées. »

Un nouvel espoir

« À mon sens, rien ne va dans cet arrêté, résume Xavier Pizarro, avocat de l’Union professionnelle du CBD. Vous ne pouvez pas interdire quelque chose du jour au lendemain, sans période de transition pour écouler les stocks. Sans compter les contrats conclus entre professionnels qui se retrouvent d’un coup illicites. » Pour le compte de son client, il a déposé un référé liberté et un référé suspension devant le Conseil d’État pour faire suspendre l’arrêté avant que la justice ne se prononce sur le fond dans quelques mois. Ils seront examinés ce vendredi à partir de 10 h 30. Le Syndicat professionnel du chanvre a également déposé un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’État.

L’incertitude juridique persiste pour la filière, qui se rassure avec une décision du Conseil constitutionnel du 7 janvier. Les Sages y ont précisé la définition des produits stupéfiants, des « substances psychotropes qui se caractérisent par un risque de dépendance et des effets nocifs pour la santé ». Deux critères qui excluent le CBD de cette catégorie, assurent les professionnels.

« Le gouvernement s’obstine, car il est persuadé que les Français ne peuvent pas faire la différence entre chanvre et cannabis et que ça brouille le message de la lutte contre les drogues », tacle Aurélien Delecroix. Pire, avance le représentant des professionnels du CBD, l’arrêté du gouvernement serait contre-productif : « Beaucoup de consommateurs de CBD sont d’anciens consommateurs de cannabis récréatif qui y trouvent un substitut moins dangereux. C’est toute une manne financière qui pourrait échapper au marché noir… »

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