“Une nuit du droit pour mieux décrypter la justice” la provence, 6 octobre 2022

Le tribunal a organisé deux procès fictifs autour des violences conjugales.

Désormais, il y a aura une nuit du droit, comme il y eut une nuit des Publivores ou de la musique. La justice s'explique, elle se donne à voir, et surtout à comprendre par le profane. Deux procès fictifs ont ainsi été organisés au palais Monthyon, dans la nuit de mardi à mercredi. À défaut de couper les cheveux en quatre, on a découpé la justice en tranches de vie. On est revenu sur un sujet phare de la Maèronie : les violences intra-familiales. Comment cela se passait-il, au temps jadis, en 1990? La règle était fort différente. Tribunal de police. Un seul magistrat. La peine encourue pour des violences conjugales ayant causé une ITT inférieure à 8 jours? 10 jours à un mois de prison maximum et 3 000 à 6 000 francs d'amende. "Une femme meurt tous les deux jours en France sous les coups de son mari ou de son conjoint", a glissé le président du tribunal, Olivier Leurent, en préambule. On a mis les petits plats dans les grands. Il y avait même des lycéens, des étudiants, une belle tranche d'avocats, une jolie brochette de magistrats, et tout le monde a joué le jeu. Une magistrate et ancienne avocate, Audrey Estienne, a joué le rôle de la victime. Avec talent. Un avocat, M' Xavier Pizarro, celui de l'odieux mari, avec le même talent, le tourmenteur de son épouse. "Votre honneur! "répète-t-il au risque de prendre des claques du tribunal, lui aussi. "On n'est pas dans `Faites entrer l'accusé', a expliqué le bâtonnier Jean-Raphaël Fernan- dez. On s'aperçoit que les Fran- çais ont peu l'occasion de venir ici". À la barre, Audrey (Julie dans le procès) raconte qu'Adrien (Xavier) avait bu, - de la Suze ! -, qu'ils se sont disputés, parce qu'il voulait ache- ter une moto et. que le ménage n'en a pas les moyens. Il aurait voulu un rapport sexuel. Au- drey (Julie) a refusé. Gifle, ec- chymoses sur les bras. "Ce n'était pas la première fois", a insisté Audrey (Julie). Xavier (Adrien) a nié les faits : "Jamais je l'ai giflée. Des fois, on se hurle dessus. C'est tout!' La pro- cureure Dominique Laurens a volontiers ironisé : "Il dit qu'il est le seul à travailler. Comme ingénieur. Mais elle travaille vraiment aussi avec trois en- fants et un métier de secrétaire à mi-temps!" Jugement de 1990: 500 francs d'amende avec sursis.

Trente-deux ans plus tard, même affaire, mais la loi a changé. Peine encourue : 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende. La Suze est deve- nue du Jet 27. Trois magistrats pour juger. Tribunal correc- tionnel. Les associations d'aide aux victimes sont pré- sentes, les réseaux sociaux aus- si, et on a même inventé un mot: 'féminicide". Décision : 4 mois de prison avec un sursis probatoire d'un an, obligation d'indemniser la victime et de suivre un stage de sensibilisa- tion aux violences dans le couple. Clap de fin. Les procès, même fictifs, ont plus que des airs de réalité.

Précédent
Précédent

“plusieurs boutiques de vente de cbd fermees apres une enquete pour trafic de stupefiant” le figaro, 27 octobre 2022

Suivant
Suivant

“Aude : un référé-liberté déposé contre l'arrêté préfectoral interdisant les raves jusqu'au 30 juin” l’independant, 25 mai 2022