“bouffée relaxante pour les deux Marseillais inventeurs de la vapoteuse au chanvre” la provence, 07/10/2021

À Aix, audience décisive pour deux Marseillais inventeurs de la vapoteuse au chanvre

"Je suis là pour être reconnu comme un entrepreneur et pas comme un délinquant", Sébastien Béguerie donne le ton en pénétrant énergiquement dans la cour d'appel d'Aix-en-Provence.Mais à quelques minutes d'une "audience hors-norme", fait monter les enchères son avocat, Me Xavier Pizarro, le fondateur de la société "Kanavapé"- pionnière dans la commercialisation de CBD en France - ne peut cacher une certaine amertume en jetant un coup d'oeil dans le rétroviseur. "J'étais un entrepreneur à l'avant-garde, j'ai pris la foudre de la justice",grimace le Marseillais de 37 ans, qui poursuit aujourd'hui modestement son activité en République tchèque, où il développe de l'huile de CBD.

En décembre 2014, ce spécialiste du chanvre fraîchement diplômé d'un master en sciences des plantes aux Pays-Bas, aidé par Antonin Cohen-Adad, son "commercial" de 35 ans formé dans l'une des plus grandes écoles parisiennes, croyait dur comme fer tenir l'idée de génie qui allait assurer sa fortune : la première cigarette électronique au CBD, "100 % légale". On parle de l'un des 80 cannabinoïdes contenus dans la plante de cannabis, qui n'a aucune propriété psychotrope, contrairement au THC imbibant à forte dose la résine ou les têtes d'herbe."Un produit parfaitement inoffensif", insiste à la barre Me Pizarro, "Il est aujourd'hui distribué dans 1 500 boutiques, dans un tiers des débits de tabacs et sur des sites en ligne. Etmême, par des pharmaciens qui le vendent dans des tisanes", ironise-t-il à l'adresse de l'avocat de l'ordre des pharmaciens, en partie civile...

Seulement voilà, à cette époque, pas si lointaine, l'intuition de Sébastien Béguerie était reçue avec suspicion par les autorités, déjà en pleine obsession prohibitionniste. Pire : les deux entrepreneurs étaient traduits, en janvier 2018, devant les tribunaux comme de vulgaires dealers. Une lourde peine à la clé : de 18 et 15 mois de prison avec sursis et à une amende de 10 000 euros, notamment pour des "infractions relatives au médicament". Le choc était rude.

Mais les Marseillais s'entêtaient : ils saisissaient aussitôt la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Quelques mois plus tard, rebondissement : cette dernière faisait preuve d'une prudence de bon aloi, préférant, plutôt que de statuer, demander l'avis la Cour de justice européenne. En gros, la juridiction redoutait que la réglementation française ne soit pas compatible avec celle de l'UE.

Coup de tonnerre à suivre : en novembre 2020, le juge du Luxembourg infligeaient un sévère camouflet à la France et à sa vision "politique" de ce sujet, dixit Me Pizarro. Sèchement, la CJUE concluait que "le CBD ne peut être qualifié de stupéfiant", et qu'en conséquence, la commercialisation du cannabidiol ne pouvait être interdite dans l'hexagone quand il est "légalement produit dans un autre État membre ". À la suite, la France était contrainte de pondre, l'été dernier, un projet d'arrêté auprès de la Commission européenne permettant d'élargir l'usage de la plante de chanvre, et notamment de légaliser les huiles de cannabidiol (CBD). À ceci près que le texte excluait dans le même temps de cette autorisation les fleurs et feuilles de la plante...

En prison pour du CBD

Il n'empêche : depuis le coup de semonce européen, a constaté hier l'avocat général de la cour d'appel d'Aix, le pays a vu "une floraison des boutiques et lieu de consommation de CBD". Toutefois, officiellement, l'affaire n'a pas été tranchée. Du moins, jusqu'à cette nouvelle audience censée boucler la boucle. "Ce procès était attendu par beaucoup de monde", insiste Me Pizarro, "j'ai fait le tour de France des juridictions, avec des décisions de justice et des traitements différents d'un endroit à un autre. J'ai par exemple un père de famille, sans casier, qui a fait trois mois de prison préventive pour avoir commercialisé du CBD dans un supermarché du Gers", grince-t-il.

Ainsi chargée de se prononcer après 7 ans de procédure, peut-être une bonne fois pour toutes, sur la légalité ou pas du CBD, la cour d'appel d'Aix a sagement encaissé les offensives des avocats des entrepreneurs du chanvre. "De cette procédure, il ne reste rien", a cinglé Me Pedinielli pour Antonin Cohen-Adad. "Ma conviction, c'est qu'ils ont cherché à capter des patients du marché du cannabis médical, mais sans offrir aucune garantie", a tenté d'opposer le représentant de l'ordre des pharmaciens... Mais en appelant à son tour à tirer les "conséquences" de la décision la Cour de justice européenne, sans requérir contre les prévenus, l'avocat général a, semble-t-il, ouvert la voie à une relaxe. La décision a été mise en délibéré au 17 novembre prochain.

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